Escale sur l’archipel d’Åland

Åland-LégendeAu volant de sa vieille Volvo, Olof Salmi nous emmène dans son fief. Il reste un bac à passer à l’aide d’un bateau câblé pour pouvoir rejoindre l’île de Vårdö. La route serpente tout en longeant la côte escarpée. Le soleil rase l’horizon illuminant la mer baltique de reflets argentés. À environ cinquante kilomètre au large de la Suède mais sous le pavillon finlandais, Åland (prononcer [Ôlande]) se dit n’appartenir ni à l’un ni à l’autre. Arborant fièrement son drapeau bleu-jaune-rouge sur le toit de son parlement, l’archipel n’est pas un pays à part entière. Les 6 700 îles appartiennent toutes à la Finlande alors qu’on y parle le suédois. Gare à ceux qui oseraient dire que Åland n’est pas un pays.


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Olof Salmi


Finlandais mais pas vraiment.

« Je ne suis pas Finlandais, je suis Ålandare (un Ålandais !) » m’informa Olof du tac au tac. « Ce n’est pas pareil. À l’étranger, je suis Finlandais car c’est ce qui est écrit sur mon passeport ». Plus jeune, Olof habitait Malmö et étonnamment, c’est dans cette région du sud de la Suède, voisine du Danemark, qu’il a appris le finnois. À cette époque, il a participé à de nombreux tournois d’athlétisme mais sous les couleurs bleues et blanches de la Finlande. 

« L’idéal est que nous ayons notre propre pays. Nous avons déjà notre drapeau, notre parlement mais nous sommes trop liés à Helsinki alors que nous sommes tellement différents les uns des autres ».

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Panorama depuis Bomarsund

  Auparavant, la Suède possédait la Finlande. De nombreuses villes ont été construites par les dynasties suédoises laissant derrière elles la culture ainsi que la langue du grand royaume scandinave. Pendant longtemps, la Finlande parlait majoritairement suédois. Les Finlandais continuaient encore à l’apprendre même après l’indépendance du pays. Aujourd’hui cette mode ne perdure plus due à la généralisation de l’anglais. Les petits Ålandais quant à eux apprennent et parlent suédois à la maison et à l’école. Ce qui explique mieux le lien qui unie Åland avec la Suède.

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Olof Salmi sur son île, Gyllenklobb

Gyllenklobb, « l’île aux reflets dorés ».
Préparant son kayak, Olof a choisi de nous faire découvrir son paradis. Ce n’est pas un Ålandais comme les autres. Sur les milliers d’îles que compte l’archipel, Olof en possède une. La petite Gyllenklobb lui appartient, héritée de sa mère. En une trentaine de minutes en kayak, Olof rejoint son île où il montre fièrement la maison qu’il a construite. « Eremit stuga » en suédois, ou la cabane de l’ermite comme il dit. En construisant une maison sur son île, Olof a revisité la fameuse cabane scandinave perdue en forêt, souvent très spartiate. Lui, a tout de même installé des panneaux solaires sur le toit offrant à ses hôtes de l’électricité. Pour ceux qui veulent profiter d’un beau week-end déconnecté, le chauffage au bois se chargera d’adoucir les longues nuits d’hiver et le jacuzzi sur la plage donnera une touche de confort à cette île déjà paradisiaque.

La mer baltique, trop polluée ?
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Ayant été un paradis de pêche et de commerce entre les puissances baltes et scandinaves, Åland a été sur la pente descendante dans le commerce du poisson « L’interêt pour devenir pêcheur est moindre et le poisson ne rapporte plus autant » nous confie un pêcheur à Mariehamn. À demi-mot il osera nous parler de la pollution trop présente en mer baltique, cette mer presque fermée donne un poisson dont la consommation est surveillée et interdite pour les femmes enceintes et personnes sensibles.

Voile, kayak, plongée …
Pour se rattraper, les gros moyens sont placés sur le tourisme. L’archipel bénéficie majoritairement de la proximité avec les peuples scandinaves et baltes mais aujourd’hui, elle attire des touristes venant de plus en plus loin. Jusqu’à maintenant, les touristes venaient sur Åland qu’en été, ce que Annica Grönlund, directrice de l’office du tourisme de l’archipel, s’est empressée de changer. 

« Autour de Åland les eaux sont chaudes l’été, malgré le fait que nous soyons sur le 60parallèle nord » explique Annica. « C’est une destination agréable en été pour faire de la voile, du kayak et pour des vacances familiales en camping. L’hiver, le climat est plus frais mais pas aussi froid qu’en Finlande. Åland bénéficie de la présence de la mer baltique comme une barrière contre le froid. De plus, les fonds marins sont idéaux pour faire de la plongé à tous les niveaux ».

Åland-4Åland, l’archipel tellement convoité !
Tout le monde voulait ou veut encore posséder Åland. La Russie qui a possédé l’archipel et construit la plupart des maisons de la capitale, Mariehamn, s’intéresse encore beaucoup à ces îles autonomes de la baltique. Pas de gaz, ni de pétrole mais une place avancée de choix sur l’Europe du Nord pour la défense et peut être même l’espionnage. « Il parait que des sous marins russes rôdent souvent par là » me chuchote Olof à l’oreille. Le fort de granit rouge de Bomarsund, construit par le grand empire de l’est, encore orné de plusieurs canons, témoigne la protection que déployait la Russie pour l’archipel. Ce même lieu fut le théâtre d’un combat entre les armées britanniques et napoléonienne.

Åland-2Indépendant, bientôt ?
La force de l’archipel serait de proclamer son indépendance mais les quelques subventions de Helsinki ne sont pas négligeables pour les insulaires. Le pays sait et saurait se gouverner tout seul. Un parlement est même implanté dans la capitale et un représentant se rend à Helsinki régulièrement.

« L’archipel de la paix ».
Ici, les habitants l’appellent « l’archipel de la paix ». Laissez votre voiture ouverte, aucun voleur n’osera venir vous la prendre. De toute façon où irait-il avec ? L’île n’est pas si grande. Le parlement ålandais ne compte aucun représentant de la défense et c’est justifié. Sachez que Helsinki n’a jamais déclaré devoir protéger l’archipel Åland, c’est une région autonome ! On présume qu’en cas de coups durs, la Finlande serait quand même présente.
Et si il y avait vraiment les Russes ?

Une police ?
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Des policiers venant de Finlande y patrouillent mais ils ne sont pas bien nombreux. Après tout, il y a moins de trente mille habitants. « Sur Åland, il fait bon vivre » me dit tout de go Bitte Islander. Suédoise de Stockholm mais résidant sur l’île une partie de l’année pour gérer son hôtel d’une main de maître. Le cottage Havsvidden, au nord de l’archipel, à Geta accueille des clients qui ont une bourse plus élevée que les campeurs. Chambres d’hôtels au confort luxueux ou maisons avec les pieds dans l’eau et sauna avec vue sur l’infini Golf de Botnie.

Granit rouge et duty free !
L’air vivifiant d’Åland est inégalable et n’a rien à envier à ses cousines de la Baltique comme Gotland ou Öland, les îles suédoises, plus au sud. Le granit rouge de l’archipel ne se trouve nulle part ailleurs en Baltique. Ce « Rapakivi » ainsi baptisé en finnois donne à Åland une couleur magique si particulière. Les pierres rouges sang viennent baigner dans les eaux baltes d’un bleu pur.

Åland-5Au loin, le soleil se couche et donne de la vie à toutes ces couleurs présentes sur les îlots voisins comme un tableau impressionniste. Au loin les ferrys partent pour Stockholm ou Turku, d’autres arrivent de Helsinki ou de Tallinn. A bord, la musique est à tue-tête et l’alcool coule à flots. Toutes ces lignes traversant la mer baltique, sont tenues de s’arrêter dans l’un des ports de Åland, ne serait-ce que dix minutes, pour pouvoir vendre des bouteilles d’alcool détaxées à ses passagers qui prennent le bateau pour pouvoir s’enivrer plutôt que de rejoindre à tout prix leurs destinations. En arrivant à Åland au petit matin, seuls une poignée de personnes pour qui la traversée a été plus courte descendent, laissant derrière eux les scandinaves ivres, assoupis dans l’escalier ou devant la porte du bar. Ils n’en ont que faire. Pour eux, même éveillés, le rêve commence !

Lucas

Troll des montagnes à l'esprit vif et au regard aguerri.

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