Chapitre 15 : Le norvégien dîtes-vous ? Encore une fois ?

Depuis maintenant plus de sept mois que je suis en Norvège, j’ai réussi à apprendre un bon paquet de mots afin d’enrichir mon vocabulaire norvégien et de pouvoir communiquer aisément avec les personnes que j’ai l’habitude de croiser ainsi qu’avec les enfants dont je m’occupe. Le vocabulaire est toujours la faille un peu sensible, on en manque souvent au debut, surtout en norvégien où j’ai appris facilement et rapidement les règles de grammaire. Je ne m’en vante pas, voyez plutôt :

>> À LIRE AUSSI : Quatrième chapitre : Le norvégien dites-vous ?

Dans toutes les langues que j’ai apprises, j’en ai vu des règles de grammaires saugrenues. Même si le pire doit être en français. Nous sommes les rares au monde à se battre contre nos règles de grammaire toute notre vie. Nesspaa ? Le norvégien est d’après moi une langue facile. Elle n’est certes pas très populaire et vous oblige à aller uniquement en Norvège pour pouvoir la parler (et encore) mais on peut se débrouiller aisément.

Souvenez-vous, dans le quatrième chapitre : Le norvégien dîtes-vous, j’avais expliqué que le norvégien bokmål, la dernière version de cette langue mainte fois revisitée, admet des mots en féminin. Malgré tout, ceux-ci peuvent être dit en masculin sans aucun problème. La Norvège a, comme on pourrait le dire poliment, le cul entre deux chaises ; au « milieu » de la Suède et de l’Islande.

Pour comparer, en suédois, il n’y a que deux genres : le masculin et le neutre. Ainsi un mot qui « devrait » être féminin ou même une personne de sexe féminin se désigne par le genre masculin (comme la fille, la femme, la soeur, la mère…). Après mon quatrième chapitre une personne m’a demandé pourquoi cette langue mettait tout au masculin, s’interrogeant même sur la possibilité d’une misogynie linguistique. Pourtant non ! Nous dénommons cette catégorie par le mot « masculin » mais dans le vieux norrois on utilisait simplement le terme « neutre » et « non-neutre ». Pour simplifier, il y a les êtres vivants (incluant les personnes, les animaux, les fleurs, les arbres mais aussi certaines autres choses de notre quotidien, définies vivantes en raison des croyances païennes comme le soleil, la lune…) et les choses non-vivantes (une table, un verre…). Aujourd’hui certains mots n’ont pas tellement de signification vivante ou non-vivante car on utilise le non-neutre pour désigner des choses non-vivantes comme un journal, une porte ou même une chaise. L’Islandais, quant à lui, a depuis longtemps acquis les trois genres (masculin, féminin et neutre) d’où son héritage germanique ancré.

En Norvège, il y a aussi cette « règle » ou plutôt cette liberté de l’article possessif. Si je veux dire « mon chien » en suédois, je devrai dire « min hund » le pronom possessif intervient toujours avant et le nom reste toujours indéfini. En islandais, je devrai dire « hundurinn minn ». Le pronom possessif intervient toujours après et le nom qui est toujours défini (d’où le -inn après « hundur »). Maintenant, en norvégien bokmål, je peux dire « min hund » exactement comme en suédois, mais je peux également dire « hunden min » à la manière islandaise. À ma convenance, je peux donc placer le possessif avant ou après, à la condition de définir ou de laisser indéfini le nom. Certains préféreront dire une forme, d’autres une autre. Il n’y a pas de règles ni de préférences. À votre bonne convenance !

La facilité de la grammaire norvégienne simplifie les conversations. Très peu de règles et très peu de cas particuliers. Tous les verbes prennent un -r à toutes les personnes au pluriel. Les conjuguer au passé est un jeu en fonction de la longueur et de la présence de voyelles, on créé donc quatre grands groupes. Pour les noms, en fonction de leur genre, ils se construisent sur un même modèle pour utiliser le singulier et le pluriel défini ou indéfini. Dans les langues voisines, le suédois compte tellement de règles différentes là où le norvégien n’en compte qu’une seule. L’islandais n’en parlons pas, je vous donnerais mal à la tête.

Malheureusement, le norvégien est également une langue qui manque de richesse au niveau du vocabulaire. Les choses se disent simplement, pas de figures de styles compliquées, agréables ou parfois malicieuses comme en français. La facilité pour s’exprimer est donc aisée du fait de la légèreté de son vocabulaire. En revanche, la faculté à la comprendre est un peu plus hardue lorsqu’on est débutant. Beaucoup de mots ont plusieurs significations, il faut donc déterminer le contexte pour comprendre l’un des nombreux sens du mot que mon interlocuteur a évoqué …

Pour la prononciation, les français ont du mal à rouler les « r » mais ça s’apprend ! En norvégien, c’est nécessaire pour l’accent d’Oslo mais pas pour celui de Bergen et de la côte ouest où le « r » est très guttural. Toutes les autres lettres se prononcent de la même manière partout. Très peu de cas particuliers ou de « il suffit de le savoir » pour chaque mot.

Ahhh que du bonheur n’est-ce pas ? Non ce serait trop facile. Le Norvégien est sournois, il lui arrive de parler la bouche à peine entre-ouverte, de sortir toute une tirade en articulant qu’à moitié, de faire des phrases à l’envers pour montrer une soi-disant importance du complément. Il peut parler avec son accent et se moquer de savoir si tu comprends ce qu’il dit.  Et après tout ça, son petit plaisir est de terminer sa phrase par un « Kjenner du ? » (Tu vois ?) ou « Ikke sant ? » (Hein dit ?)*, bien articulé cette fois-ci, histoire de te montrer qu’il en est capable !

Partout où je vais je m’oblige à parler norvégien, dans tous les cas. Je m’interdis un seul mot d’anglais, si je ne connais pas clairement le vocabulaire pour bien expliquer ce que je veux dans une boutique ou un bar, je fais des grands gestes, à l’italienne ! Parfois mon interlocuteur est amusé par la manière dont je tente à m’exprimer dans sa langue. Mais il est tout aussi courant de croiser des gens qui me regardent la bouche grande ouverte, les yeux énormes et qui me répondent en parlant à toute vitesse (alors qu’ils ont bien-sûr tout à fait compris que je ne parlais pas leur langue couramment). À ces gens-là, j’ai envie de pousser un coup de gueule. Vous n’avez jamais appris une langue étrangère ? N’êtes-vous jamais allés en voyage à l’étranger ? Une langue ça s’apprend pas en quinze jours …

Malgré tout, apprendre des langues est, je trouve, un véritable bonheur, un enrichissement personnel qui débouche sur de nombreux lots de connaissances. Des fois, en buttant sur un mot en norvégien, je m’aperçois qu’il ressemble étrangement à un mot en suédois, dans une chanson écoutée la veille, ou à un mot dans un sous-titre d’un film en islandais de l’autre jour… Est-ce le même mot ? Eh oui ! Comme quoi rien n’est inutile dans la vie. Alors, parfois j’y pense et je souris !

« Un étranger, c’est un type comme nous, sauf qu’on ne comprend pas ce qu’il dit. »
#Domitille de Pressensé

* »Kjenner du » veut dire « Sais-tu ? » dans le sens « comprends-tu ? », « vois-tu ? » et « ikke sant ? » veut dire « pas vrai ? » on le traduit en français par le bon vieux « hein dit ? » ces deux interrogations sont très utilisées en Norvège.

Lucas

Troll des montagnes à l'esprit vif et au regard aguerri.

4 pensées sur “Chapitre 15 : Le norvégien dîtes-vous ? Encore une fois ?

  • 15 avril 2015 à 12 h 23 min
    Permalink

    Tak tak. Jo have alles capito !

    Répondre
    • 15 avril 2015 à 12 h 26 min
      Permalink

      Met moi deux K à Takk ! Sinon tu deviens Danois 😀 Ou Suédois si tu veux écrire Tack. Heureux que tu aies tout compris ! Tu en sors grandi et fort en langue à ce que je vois ! 😉

      Répondre
  • 16 avril 2015 à 12 h 48 min
    Permalink

    Il paraît que plus on apprend de langues, plus c’est facile. Tu en es la preuve!
    Je suis impressionnée par ton maniement de la terminologie grammaticale…un vrai pro!
    Je suis d’accord avec toi, le français est une langue très difficile mais sans aucun doute la plus riche, la plus élégante et la plus fine de toutes…

    Répondre
    • 16 avril 2015 à 12 h 54 min
      Permalink

      Le français, l’allemand et les langues anciennes sont riches. Riches de leur histoire ! Mais le norvégien est trop récent. Les mots un peu ancien se disent en danois (la langue mère) mais plus en norvégien. L’islandais qui est une langue qui n’a pas changé depuis le Xe siècle est extrêmement riche et possède de nombreuses figures de style.

      Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *