Chapitre 24 : Sainte Lucie

Sainte Lucie, Santa Lucia … ça vous évoque quoi à part la Mozzarella ? Une île perdue dans les Antilles ?… ça reste une réponse qui fait preuve d’altruisme, je vous l’accorde, mais ce n’est toujours pas celle que j’attends. Allez quoi, le 13 décembre, vérifiez. Partout dans les calendriers, le 13 c’est la Sainte Lucie. Mais qu’est-ce que c’est au juste ?

En France, le 13 décembre, ça n’est rien de particulier. Cette année c’était les élections régionales mais pour les autres millésimes, c’est un jour banal. Pourtant, en Scandinavie, le mois de décembre est riche en événements.

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Du glögg, des pepperkaker (petit biscuits préparés avant Noël) et une bougie, l’avent est là.

Tout commence le premier dimanche de décembre. Les habitants de l’est de la France le savent, par influence allemande ou plus directement alsacienne, les bougies s’allument sur la couronne de l’avent. La première bougie brille pour annoncer le début des quatre dernières semaines avant Noël. Chaque dimanche qui suit, on allume une bougie de plus jusqu’au 25. Un rite très célébré par les protestants, donc beaucoup en Scandinavie. Il ne faut surtout pas oublier le calendrier de l’avent. Un petit chocolat ou un petit jouet tous les jours en attendant Noël, sachez également en Scandinavie que le calendrier de l’avent se passe à la télé. Cette année, en Norvège, sur NRK 3, « Julekonger » le Roi de Noël est diffusé tous les jours jusqu’au 24. Un petit épisode de 25 minutes rassemble toutes les familles devant la télé à 18h tapantes, après le repas (oui oui vous avez bien lu).

« À la sainte Luce, le jour avance du saut d’une puce » a dit Lucie de Syracuse avant de cramer sur son bûcher (elle est aujourd’hui canonisée, pas de quoi se plaindre). Le jour de la Sainte Lucie « correspond au premier jour à partir duquel le soleil se couche plus tard que la veille ». Bon, notre chère Lucie manquait sans doute de précision car les jours n’augmentent qu’à partir du solstice, encore une semaine à attendre. Non, ne la blâmons pas, cette fête, dans les écrits, était célébrée le jour où la nuit était la plus longue, on peut donc imaginer qu’elle se déroulait le 21 décembre. Cependant, instaurée pendant le calendrier julien, la date s’est sans doute décalée à l’arrivée du calendrier grégorien. Cette fête est donc liée au « Mørketid » la période sombre, en Scandinavie.

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Après cuisson on décore les peperkaker aux goûts de chacun !

Pourquoi Lucie ? Et oui c’est vrai ça ? Pourquoi pas Edvige ou Nathalie ? Lucie est un prénom latin, n’est-ce pas ? Qui a fait du latin parmi les lecteurs ? Lucis c’est la déclinaison de lux qui veut dire lumière. La Sainte Lucie apporte donc la lumière à un moment où beaucoup de régions en ont très peu, voire pas du tout. En Suède la fête est très célébrée, une bonne occasion de boire pour eux. En Norvège, il s’agit d’une procession réalisée à l’église par les enfants. Une fille est généralement choisie pour jouer le rôle de Lucie, elle est habillée de blanc, avec une couronne sur laquelle sont fixées des bougies (qui symbolise les flammes du bûcher qui l’ont soit-disant épargné de son châtiment) et porte une ceinture rouge, symbolisant son martyre.

N’ayant pas cette tradition en France, on peut donc imaginer que Sainte Lucie n’est célébrée que par les protestants. Erreur, c’est une fête catholique. Elle est encore célébrée en Italie (normale Lucie venait apparemment de Sicile). Elle a survécu à la réforme protestante du XVIe siècle en Scandinavie car elle rassemble les gens autour de la lumière dans les régions du nord de l’Europe qui en sont privées durant l’hiver.

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Lussekatter

Pour la Sainte Lucie, on prépare des petites brioches. Bah oui, il faut quand même bien grignoter. Les lussekatter (ou parfois lussebuller en suèdois) sont des petites brioches au safran. Après avoir secoué tous les crocus de Norvège pour enfin trouver la précieuse épice, il faut former des petites brioches avant de les cuire. Le mieux c’est quand même de les manger, un vrai régal avec une petite tasse de Glögg (une sorte de vin chaud suédois, avec ou sans alcool, parsemé d’amandes et de raisins secs).

Cette année le 13 décembre était un dimanche, j’étais donc invité à manger le risgrøt chez des amis. Je ne vous en ai pas encore parlé de ça ? Avant Noël il est très courant de faire du risgrøt. Une sorte de riz au lait un peu « pudding » où chacun rajoute ce qu’il veut, du sucre, de la cannelle, une petite noisette de beurre ou encore quelques raisins secs. Le tout accompagné, là encore, d’une tasse de Glögg et … non non ne riez pas : du saucisson ! On peut rajouter du flatbrød, du « pain plat » très croustillant comme une biscotte mais tellement fin qu’il n’y a qu’un coté. Le risgrøt se savoure entre amis, entre collègues, il est courant que les garderies fassent un grand risgrøt avec les enfants et accueillent tous les parents le soir quand ils viennent les rechercher. C’est aussi l’occasion d’inviter les voisins ou les amis à manger le grøt chez soi pour se souhaiter des bonnes fêtes. Au moins, pas besoin de les inviter pour Noël, qui se fait plus en famille.

Sur l’image de notre Galette des Rois, il faut parsemer une ou des amandes dans le grøt à la fin de la cuisson. Celui qui l’a dans son bol, s’il ne la mange pas, gagne un petit cochon en pâte d’amande (Marsipangris). « Ça fait combien de temps que tu es en Norvège ? » me demandaient les invités inquiets. Quand je répondais « plus d’un an » ils affirmaient satisfaits, que je connaissais la « tradition de l’amande ». Pour la blague, personne ne l’a trouvée lors de cette soirée. Quelqu’un a oublié de la mettre ? Quelqu’un l’a simplement mangée ou n’a t-elle pas encore été piochée dans la grande marmite ?

Choisissez bien vos couleurs. Dans les vieilles traditions croyantes scandinaves, pour l’avent, il faut s’habiller en violet, ou une couleur similaire. Le soir de noël « Julaften » il faut porter du rouge pour accueillir le petit Jesus, et le lendemain, pour le célébrer il faut s’habiller en blanc. Mais vous serez un des rares à encore suivre ces rites.

Tel avent, tel printemps
#Dictionnaire des dictons

Lucas

Troll des montagnes à l'esprit vif et au regard aguerri.

4 pensées sur “Chapitre 24 : Sainte Lucie

  • 18 décembre 2015 à 15 h 07 min
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    “tellement fin qu’il n’y a qu’un coté » : la citation aurait mérité des guillemets par déférence envers notre grand auteur vosgien…

    Joyeuses fêtes à tous !

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    • 18 décembre 2015 à 16 h 25 min
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      On ne peut rien te cacher toi !! 😀 Bonne fêtes !

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